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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


parlât d’un ami malheureux avec une sévérité qui allait jusqu’à l’outrage, et qu’on traitât Scarron, Pellisson, et mademoiselle de Scudéry, de canaille intéressée. Il se peut qu’elle en voulût un peu à Fouquet d’avoir si imprudemment placé les lettres qu’elle lui avait écrites, mais non qu’elle le jugeât très-criminel pour avoir dressé, dans l’ombre où il devait le croire bien caché, « ce trophée de la pudeur de tant de femmes de qualité, » qui n’avaient pas eu beaucoup de pudeur. Dans la lettre qu’elle écrivit à Ménage sur cette malheureuse affaire, elle dit avec une grande modération, et sans laisser échapper contre Fouquet un mot d’amertume de plus, qu’elle a été bien touchée de voir qu’il avait mis ses lettres « dans la cassette de ses poulets[1]. » Elle le supplie d’ailleurs « d’instruire ceux qui ne le sont pas, » et de dire partout sur cette correspondance ce que madame de la Fayette lui en apprendra. Ménage lui répondit que, pour remplir un devoir si sacré, il n’avait pas attendu son invitation.

Elle s’adressa encore à un autre ami en qui elle avait d’autant plus de confiance qu’une même affection pour Fouquet, un même regret de sa chute, une même pitié pour son infortune, rapprochaient alors leurs cœurs. C’était Arnauld de Pomponne, qu’elle connaissait depuis plusieurs années. Elle avait dû le rencontrer souvent chez le surintendant, et, comme le fait remarquer M. Walckenaer[2], à l’hôtel de Rambouillet et dans ce palais enchanté de madame du Plessis Guénégaud, où elle allait depuis longtemps[3]. Il est probable surtout que Renaud de Sévigné, qui était en relation avec les hommes de Port-Royal, avant le temps même où il passa au milieu d’eux sa vie pénitente, fut le lien de cette amitié entre sa nièce et le fils d’Arnauld d’Andilly. Nous savons du moins par les Mémoires de l’abbé Arnauld, frère de Pomponne, que ce fut au chevalier de Sévigné qu’il dut en 1657 la connaissance de l’illustre marquise. Nous allons voir madame de Sévigné en correspondance suivie avec Pomponne pendant le procès de Fouquet. Au sujet

  1. Lettre du 9 octobre 1661.
  2. Mémoires sur madame de Sévigné, deuxième partie, p. 206.
  3. Lettre de madame de Sévigné à M. de Pomponne, du 18 novembre 1664.