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NOTICE BIOGRAPHIQUE


de la malheureuse affaire des cassettes, elle lui écrivait : « Eussiez-vous jamais cru que mes pauvres lettres, pleines du mariage de M. de la Trousse et de toutes les affaires de sa maison, se trouvassent placées si mystérieusement ?… Je ne laisse pas d’être sensiblement touchée de me voir obligée de me justifier, et peut-être inutilement à l’égard de mille personnes qui ne comprendront jamais cette vérité... Je vous conjure de dire sur cela ce que vous en savez ; je ne puis avoir assez d’amis en cette occasion[1]… » Elle trouva aussi dans une autre amie de Fouquet, dans cette Sapho[2] (mademoiselle de Scudéry) si durement traitée par Chapelain, un grand empressement à la défendre. Ces amis zélés réussirent-ils à mettre la vérité dans un plein jour, au-dessus de tous les doutes ? Un si complet succès est improbable. Aujourd’hui que les cassettes de Fouquet, qui livrent quelques-uns de leurs papiers, ne rendront sans doute pas à la lumière ces billets de madame de Sévigné, preuves décisives contre la calomnie, bien des gens encore ne sauraient trop que croire, si le témoin qu’entre tous sa malignité rendait singulièrement propre à délivrer des brevets d’innocence, Bussy, ne venait à point, cette fois encore, pour écarter jusqu’au moindre nuage. Ayant eu quelque inquiétude au sujet d’une lettre qu’il avait lui-même écrite autrefois à Fouquet, pour lui promettre de lui vendre sa charge de mestre de camp général de la cavalerie, il était allé voir le ministre le Tellier et s’expliquer sur ses relations avec le surintendant. Il profita de l’occasion de cet entretien pour satisfaire sa curiosité sur les prétendues lettres d’amour de madame de Sévigné trouvées dans les cassettes. Cela touchait à un problème, où nous l’avons déjà vu porter ses investigations avec une ardeur toute particulière. Les éclaircissements donnés par le Tellier furent décisifs. Il répondit aux questions de Bussy que les lettres de madame de Sévigné à Fouquet « étoient les plus honnêtes du monde et d’un caractère de plaisanteries[3]. »

Si la révélation du ministre eût été d’une autre nature, il

  1. Lettre du 11 octobre 1661.
  2. Sapho était le nom sous lequel mademoiselle de Scudéry avait fait son propre portrait dans le Cyrus.
  3. Mémoires de Bussy, tome II, p. 114.