Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/26

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1691 qu’à l’ordinaire depuis que je suis ici ; je ne savois pas bien précisément ce que c’étoit, mais vous me le dites : c’est justement que je suis votre voisine, mon cher consin ; j’aime passionnément cette nouvelle alliance ; je l’avois sentie, et mise dans le nombre des raisons agréables qui me forçoient d’y venir ; mais je n’avois pas eu l’esprit d’en faire un nom. Vous êtes donc mon voisin, tant que vous serez à Rome ; car si jamais nous nous retrouvons dans Paris, surtout dans votre Temple, nous ne serons plus que cousins. Vous voyez que j’ai reçu toutes vos lettres, quelquefois vite, quelquefois bien lentement, sans que je puisse savoir pourquoi. Ma fille croit que vous n’avez point reçu quatre vers qu’elle fit sur-le-champ, dans la joie du gain de son procès, sur la pimbêche fureur de Mme de Bury, parce que vous ne m’en dites rien. J’ai vu la petite feuille qui marque toujours la profonde sagesse de notre duchesse de Chaulnes, je n’en suis point surprise.

Nous sommes fort aises d’avoir la réponse de du Charmel à M. de Nevers[1] : c’est une très-bonne et très-solide prose et d’un homme content de son état. Les vers chrétiens de l’abbé Têtu sont fort beaux aussi, et d’un vrai pénitent. Pour moi, je ne suis point blessée qu’on se baigne dans la joie de la bonne conscience : quand on a reçu des grâces de Dieu à pleines mains comme M. du Charmel, et qu’on est pénétré de la reconnoissance d’une telle distinction, j’aime assez qu’on l’avoue et qu’on en fasse honneur à la bonté de celui à qui on les doit. Cela se peut voir par un autre côté, mais ce n’est pas celui qui se présente à moi : ainsi j’aime la manière naïve dont il

  1. Lettre 1320. — 1. Le duc de Nevers avait adressé au comte du Charmel, sur sa retraite de la cour (voyez la lettre du 15 août 1688, tome VIII, p. 169, note 2) une épître qui a été imprimée dans le Recueil de pièces curieuses, la Haye, 1694, tome II, p. 327.