Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 11.djvu/91

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SUR MADAME DE SIMIANE. 5

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lettres qui nous restent (le plus grand nombre a péri, et peut être les plus précieuses) ne forment pas un ensemble complet, comme celles de Mme de Sévigné, avec lesquelles nous nous gardons bien d’établir aucune comparaison, et elles sont loin de présenter le même intérêt. Les événements dont se nourrit l’histoire, les bruits de la cour, de la capitale, des hautes régions du pouvoir, ne trouvent plus qu’un bien faible écho dans l’asile que s’est choisi cette digne et noble femme, retirée et un peu désabusée du monde. C’est dans une société fort distinguée par les qualités de l’esprit, mais moins retentissante, peu nombreuse, et sur laquelle, à plus d’un siècle de distance, les renseignements intimes et détaillés nous manquent, que s’est écoulée, depuis 1720 jusqu’à sa mort, arrivée le 3 juillet 1737, la vie de Mme de Simiane. Sur ce théâtre

  1. Mais depuis que les destinées M’ont transformée en pilier de Palais, Que le cours de plusieurs années A fait insulte à mes attraits, C’en est fait, à peine je pense; Et quand par un heureux succès Je gagnerois tout en Provence, J’ai toujours perdu mon procès. Mme de Simiane possédoit encore au souverain degré le talent de bien parler, et le don de plaire sans nulle affectation. Sa conversation étoit vive, enjouée, et toujours décente. Mais si l’humanité ne comporte point que tant de qualités aimables soient exemptes du plus léger défaut, comment n’être pas surpris qu’un peu d’inégalité dans l’humeur ait été le seul reproche qu’on pouvoit lui faire? Disons encore à sa louange que comme le cœur n’y eut jamais de part, elle n’en perdit aucun de ses amis, et sa société n’en fut ni moins délicieuse, ni moins recherchée. Héritière des sentiments de son illustre aïeule, elle aima la justice par-dessus tout, et protégea la vertu persécutée. Une âme haute, généreuse, compatissante, un cœur droit, sensible, ami du vrai, formoit essentiellement son caractère. Les grands principes de religion, dont elle fut nourrie, se retrouvoient en elle jusque dans le tumulte de la cour et du monde; mais ils ne parurent jamais avec plus d’éclat que vers les dernières années de sa vie, qu’elle passa dans l’exercice constant des vertus sublimes du christianisme. » (Tome V de l’édition de 1784, note de la page 146 dans la plus grande des deux impressions, de la page 120 dans la plus petite.)