1671
sier est au désespoir de ne vous pouvoir venir voir. J’ai été chez Mme du Puy-du-Fou ; j’ai été pour la troisième fois chez Mme de Maillanes[1]. Je me fais rire en observant le plaisir que j’ai de faire toutes ces choses.
Au reste, si vous croyez les filles de la Reine enragées, vous croirez bien. Il y a huit jours que Mme de Ludres, Coëtlogon et la petite de Rouvroy furent mordues d’une petite chienne, qui étoit à Théobon[2]. Cette petite chienne est morte enragée ; de sorte que Ludres, Coëtlogon et Rouvroy sont parties ce matin pour aller à Dieppe, et se faire jeter trois fois dans la mer[3]. Ce voyage est triste ; Benserade en étoit au désespoir. Théobon n’a pas voulu y aller, quoiqu’elle ait été mordillée. La Reine ne veut pas qu’elle la serve, qu’on ne sache ce qui arrivera de toute cette aventure. Ne trouvez-vous point, ma bonne, que Ludres ressemble à Andromède ? Pour moi, je la vois
- ↑ 6. Antoine des Porcellets, marquis de Maillanes, d’une des plus anciennes familles de Provence, était en 1672 procureur pour la noblesse à l’Assemblée des Communautés. Sa seconde femme était Gabrielle de Gianis de la Roche. Est-ce d’elle que Mme de Sévigné parle ici ?
- ↑ 7. Marie-Elisabeth de Ludres, chanoinesse de Poussay, qui fut aimée du Roi : voyez la lettre du 1er avril suivant. — Louise-Philippe de Coëtlogon, qui fut mariée au marquis de Cavoie. — Jeanne de Rouvroy, qui fut mariée au comte de Saint-Vallier. — Lydie de Rochefort Théobon, qui fut mariée au comte de Beuvron. Toutes quatre filles d’honneur de la Reine. Voyez la lettre du 27 novembre 1673.
- ↑ 8. On croyait que l’on guérissait une personne mordue d’un chien enragé en la plongeant dans la mer. « Les autres asseuroyent, dit Guillaume Bouchet (dans sa VIIe Serée, intitulée des Chiens), que l’eau de la mer guerissoit les enragez, si on les jette dedans ; et de faict on les mene maintenant à la mer, comme le plus asseuré remede. » (1re édition des Serées, Paris, 1585.) — M. Floquet a trouvé à la Bibliothèque impériale un ordre du Roi du 13 mars 1671, adressé à Blavet, maître des coches d’Orléans, pour conduire Mme de Ludres (du Ludre) et Mlles de Coëtlogon et de Rouvroy, de Paris à Dieppe.