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lui a conté qu’en son voyage de Guinée[1] il se trouva parmi des chrétiens. Il y trouva une église, il y trouva vingt chanoines nègres tout nus avec des bonnets carrés, et une aumusse au bras gauche, qui chantoient les louanges de Dieu. Il vous prie de réfléchir sur cette rencontre, et de ne pas croire qu’ils eussent le moindre surplis, car ils étoient comme quand on sort du ventre de sa mère, et noirs comme des diables. Voilà ma commission.

Mme de Guise[2] a fait un faux pas à Versailles ; elle n’en a rien dit : elle est accouchée, à quatre mois, d’un pauvre petit garçon, qui n’a point été baptisé. Voilà un bel exemple pour se conserver, et pour ne point cacher ses fausses démarches.


    puis 1670 vice-amiral des armées navales aux îles d’Amérique, fut fait maréchal de France en 1681, et plus tard (1686) vice-roi de l’Amérique. Il mourut en 1707. Voyez la note 2 de la lettre 40.

  1. 5. La curiosité se portait alors sur la Guinée. Un ambassadeur du roi d’Ardra (dans la Guinée septentrionale) venait d’arriver à Paris ; il y avait fait une entrée singulière. Son carrosse, attelé de six chevaux, était précédé de douze nègres, dont le chef donnait du cor. Ses trois femmes, trois de ses fils et une suite considérable étaient dans d’autres voitures. La compagnie des Indes, espérant retirer de grands avantages de cette ambassade, fit faire à l’envoyé des vestes de brocart d’or, pour qu’il se présentât décemment devant le Roi. Cela donna lieu à mille plaisanteries. Mme de Montmorency écrivait à Bussy, le 9 décembre 1670, qu’on avait eu toutes les peines du monde à déterminer l’ambassadeur à s’habiller pour aller à l’audience du Roi, et qu’il voulait y aller tout nu. « Il est chrétien, dit-elle dans la même lettre, et a trois femmes épousées, dont il en veut vendre une, s’il trouve marchand. » (Voyez les Mémoires touchant les ambassadeurs, et la Correspondance de Bussy Rabutin, t. I, p. 343.)
  2. 6. Élisabeth d’Orléans, duchesse d’Alençon, fille puînée de Gaston et de Marguerite de Lorraine, mariée en 1667 à Louis-Joseph, duc de Guise. Son mari, qu’elle perdit au mois de juillet 1671, était fils unique (né en 1650) de Louis de Lorraine, duc de Joyeuse et d’Angoulême, mort en 1654, et neveu du duc de Guise, Henri II, dont il avait recueilli l’héritage en 1664. Elle mourut en 1696, à cinquante ans, n’ayant eu qu’un fils, mort en bas âge (1675). Voyez la note 15 de la lettre 132.