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avec une surabondance d’amitié qui me surprit ; elle me parla de vous sur le même ton ; et puis tout d’un coup, comme je pensois lui répondre, je trouvai qu’elle ne m’écoutoit plus, et que ses beaux yeux trottoient par la chambre : je le vis promptement, et ceux qui virent que je le voyois me surent bon gré de l’avoir vu, et se mirent à rire. Elle a été plongée dans la mer[1], la mer l’a vue toute nue, et sa fierté en est augmentée : j’entends de la mer ; car pour la belle, elle en est fort humiliée.

Les coiffures hurlubrelu m’ont fort divertie, il y en a que l’on voudroit souffleter. La Choiseul[2] ressembloit, comme dit Ninon, à un printemps d’hôtellerie[3] comme deux gouttes d’eau : cette comparaison est excellente. Mais qu’elle est dangereuse, cette Ninon ! Si vous saviez comme elle dogmatise sur la religion, cela vous feroit horreur. Son zèle pour pervertir les jeunes gens est pareil à celui d’un certain M. de Saint-Germain[4], que nous

    dont elle fut deux ans la maîtresse, rompit durement avec elle (voyez les lettres des 11, 14, 16 juin et 21 juillet 1677). Elle montra d’abord quelque fierté et finit par accepter une pension. Elle se retira, sans faire de vœux, à la Visitation de la rue du Bac, puis dans sa maison, voisine d’un couvent de Nancy, où elle mourut en 1726, à un âge avancé. Voyez les Lettres de Madame de Bavière (tome I, p. 458) et une biographie de la Belle de Ludre, récemment publiée à Nancy. — Charles de Sévigné fut amoureux de la comtesse de Ludres : voyez la lettre de Mme de la Fayette du 19 mai 1673.

  1. 6. Voyez la lettre du 13 mars précédent, p. 105.
  2. 7. Voyez la lettre du 1er avril 1672.
  3. 8. Elle fait allusion à ces mauvais tableaux des quatre saisons qu’on trouve communément dans les cabarets. (Note de l’édition de Rouen, 1726.)
  4. 9. Ce Saint-Germain joignait l’impiété à la débauche. Il était ami de Denis Sanguin de Saint-Pavin, mort l’année précédente et dont le père avait été seigneur de Livry : voyez la Notice, p. 27. — On lit dans les œuvres de Saint-Pavin une lettre en stances adressée à Saint-Germain : voyez le Recueil de Barbin, 1692, p. 409 du tome IV, et les Poésies de Saint-Pavin, au tome IX de Tallemant des Réaux, p. 243.