1671
151. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.
Voilà une infinité de lettres que je vous conjure de distribuer. Je souhaite que les deux qui sont ouvertes vous plaisent ; elles sont écrites d’un trait : vous savez que je ne reprends guère que pour faire plus mal. Si nous étions plus près, je pourrois les raccommoder à votre fantaisie, dont je fais grand cas mais de si loin, que faire ? Vous m’avez ravie d’écrire à M. le Camus ; votre bon sens a fait comme si Castor et Pollux vous avoient porté ma pensée : voilà ses réponses. La lettre que votre frère vous écrit nous fit hier rire chez M. de la Rochefoucauld. Je vis Monsieur le Duc[1] chez Mme de la Fayette. Il me demanda de vos nouvelles avec empressement ; il me pria de vous dire qu’il s’en va aux états de Bourgogne[2], et qu’il jugera par l’ennui qu’il aura dans son triomphe de celui que vous aurez eu dans le vôtre. Mme de Brissac[3] arriva ; il y a entre eux un air de guerre ou de mauvaise paix qui nous réjouit. Nous trouvâmes qu’ils jouoient aux petits soufflets, comme vous y jouiez autrefois avec lui. Il y a un air d’agacerie au travers de tout cela, qui divertit ceux qui observent. La Marans arriva là-dessus ; elle sentoit la chair fraîche[4]. Sans nous
- ↑ Lettre 151. — 1. Voyez la note 6 de la lettre 115.
- ↑ 2. Pour les présider à la place de son père, gouverneur de la province.
- ↑ 3. Voyez la note 9 de la lettre 119.
- ↑ 4. Mme de Marans, Merlusine (voyez la note 4 de la lettre 131), avait été maîtresse de Monsieur le Duc. Elle en eut, vers 1668, une fille qui était connue sous le nom de Guenani (anagramme d'Anguien) : voyez la lettre de Mme de Sévigné, du 8 juin 1676. Cette enfant fut légitimée par lettres du mois de juin 1693, et appelée Julie de Bourbon, demoiselle de Châteaubriant. Elle épousa, le 6 mars 1696,