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1670

115. — DE MESDAMES DE SÉVIGNÉ ET DE GRIGNAN AU COMTE DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 19e novembre.
* DE MADAME DE GRIGNAN.

Si ma bonne santé peut vous consoler de n’avoir qu’une fille[1], je ne vous demanderai point pardon de ne vous avoir pas donné un fils. Je suis hors de tout péril, et ne songe qu’à vous aller trouver. Ma mère vous dira le reste.

DE MADAME DE SÉVIGNÉ.

Madame de Puisieux[2] dit que si vous avez envie d’avoir un fils, vous preniez la peine de le faire : je trouve ce discours le plus juste et le meilleur du monde. Vous nous avez laissé une petite fille, nous vous la rendons. Jamais il n’y eut un accouchement si heureux. Vous saurez que ma fille et moi nous allâmes samedi dernier nous promener à l’Arsenal[3] ; elle sentit de petites douleurs : je voulus au retour envoyer querir Mme Robinet ; elle ne le voulut jamais. On soupa, elle mangea très-bien.

  1. LETTRE 115. — 1. Mme de Grignan était accouchée le 15 novembre. Un an auparavant elle avait fait une fausse couche, à Livry.
  2. 2. Charlotte d’Estampes de Valençay, vicomtesse de Puisieux, née vers 1597, seconde femme, en 1615, de Pierre Brulart, marquis de Sillery, vicomte de Puisieux, secrétaire d’État sous Henri IV et Louis XIII. Veuve en 1640, elle mourut le 8 septembre 1677. Elle figure au contrat de mariage du comte de Grignan, de la part de l’époux. Sur cette vieille femme bizarre et spirituelle, sur son crédit à la cour, voyez Walckenaer, tome III, p. 248.
  3. 3. Il y avait le grand et le petit Arsenal. Ils se tenaient par le moyen d’un grand jardin « bien entretenu, dit Sauvai, et qui jouissait d’une vue admirable. » Il en parle ailleurs (tome I, p. 27) comme d’une promenade publique.