1671
trouvé qu’elle ressemble à une amande lissée[1]. Voilà de ces sortes de physionomies qui ne se raccommoderont jamais avec moi.
J’ai fait moi-même déménager et mettre en sûreté tous vos meubles dans une chambre que j’ai réservée ; j’ai été présente à tout. Pourvu que vous ayez intérêt à quelque chose, elle est digne de mes soins. Je n’ai pas tant d’amitié pour moi, Dieu m’en garde. Je n’ai garde, ma bonne, de dire à notre océan la préférence que vous lui donnez : il en seroit trop glorieux ; il n’est pas besoin de lui donner plus d’orgueil qu’il n’en a.
Bien du monde s’en va lundi comme moi. Brancas est parti ; je ne sais si cela est bien vrai, car il ne m’a point dit adieu ; il croyoit peut-être l’avoir fait. Il étoit l’autre jour debout devant la table de Mme de Coulanges ; je lui dis : « Asseyez-vous donc, ne voulez-vous pas souper ? » Il se tenoit toujours debout. Mme de Coulanges lui dit ; « Asseyez-vous donc. — Parbleu ! dit-il, Mme de Sanzei[2] se fait bien attendre ; je crois qu’on ne lui a pas dit qu’on a servi. » C’étoit elle qu’il attendoit, et il y a environ cinq semaines qu’elle est à Autry[3]. Cette civilité, faite fort naïvement, nous fit rire.
Je vous conjure, ma très-chère bonne et très-belle de ne point prendre de chocolat. Je suis fâchée contre lui personnellement. Il y a huit jours que j’eus seize heures durant une colique et une suppression qui me fit toutes les douleurs de la néphrétique. Pecquet me dit qu’il y avait
- ↑ 9. « On appelle amandes lissées certaines dragées où il y a des amandes. » (Dictionnaire de l’Académie de 1694.)
- ↑ 10. Anne-Marie de Coulanges, sœur du chansonnier, femme en 1661 de Louis Turpin de Crissé, comte de Sanzei. Son mari disparut dans la campagne de 1675. Voyez la Notice, p. 146.
- ↑ 11. La terre et baronnie d’Autry, près de Gien (Loiret), appartenait au comte de Sanzei.