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1671

beaucoup de bile et d’humeurs en l’état où vous êtes ; il vous seroit mortel.

Mme de Soubise est grosse ; elle s’en plaint à sa mère, mais inutilement. Pour Mme de Louvigny[1], vous le savez. Si je pouvois trouver quelque honnête veuve ou quelque honnête fille qui le fût aussi, je vous le manderois pour votre consolation.

L’abbé Têtu est parti, disant que Paris lui pèse sur les épaules ; il est allé droit à Fontevrault, c’est le chemin, cela est heureux ; de là il va à Richelieu, qui n’est qu’à cinq lieues ; il y demeurera. Ce voyage paroît ridicule à bien des gens, et semble l’éloigner encore de l’épiscopat[2] ; pour moi, je dis qu’il l’en approchera. Vous voyez qu’il ne s’accommode pas si bien de l’absence de Mme de Fontevrault que de la vôtre. Si j’étois désormais en lieu de vous parler du prochain, je prendrois votre manière ; elle est mille fois plus nette et plus facile que le galimatias dont je m’étois servie, et que vous avez pourtant fort bien deviné : il n’y en a guère d’impénétrable pour vous.

Vous trouvez que mon fils me console de Paris, que les états me consoleront de mon fils ; mais de vous, ma belle, qui m’en consolera ? Je n’ai point encore trouvé qu’il y ait rien dans le monde qui puisse s’en vanter. Je vous embrasse mille et mille fois. Aimez-moi toujours, c’est la seule joie et la seule consolation de ma vie.

  1. 12. Marie-Charlotte, fille du maréchal de Castelnau, femme d’Antoine-Charles comte de Louvigny. Son mari, frère puîné du comte de Guiche mort en 1673, devint duc de Gramont à la mort de son père le maréchal (1678) ; il fut en 1704 ambassadeur extraordinaire en Espagne, et mourut en 1720. L’enfant dont elle était grosse alors a été le dernier maréchal de Gramont. Elle mourut en 1694. Voyez la note de la lettre du 14 octobre 1671.
  2. 13. « Le commerce de l’abbé Têtu avec les femmes a nui à sa fortune, et le Roi n’a jamais pu se résoudre à le faire évêque. Je me souviens qu’un jour Mme d’Heudicourt parla en sa faveur ; et sur ce