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d’une femme que vous aimez, toutes ces choses sont détruites par les rechutes fréquentes du mal que vous faites souffrir.

Ma fille, je reviens à vous, après avoir dit adieu à votre mari. Il nous revient ici que vous perdez tout ce que vous jouez l’un et l’autre. Eh mon Dieu ! pourquoi tant de malheur, et pourquoi cette petite pluie continuelle, que j’ai toujours trouvée si incommode ? Je deviens comme elle, je ne finis point. Adieu donc pour la centième fois, ma chère enfant ; remerciez bien d’Hacqueville de toutes les amitiés que j’en reçois tous les jours : il entre dans mes sentiments ; voilà de quoi il est question en ce monde. N’oubliez pas de faire savoir à Vardes que Corbinelli se loue fort de lui.


170. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Malicorne, samedi 23e mai.

J’arrive ici, où je trouve une lettre de vous, tant j’ai su donner un bon ordre à notre commerce. Je vous écrivis lundi en partant de Paris ; depuis cela, mon enfant, je n’ai fait que m’éloigner de vous avec une telle tristesse et un souvenir de vous si pressant, qu’en vérité la noirceur de mes pensées m’a rendue quelquefois insupportable. Je suis partie avec votre portrait dans ma poche ; je le regarde fort souvent : il seroit difficile de me le dérober présentement sans que je m’en aperçusse ; il est parfaitement aimable ; j’ai votre idée dans l’esprit ; j’ai dans le milieu de mon cœur une tendresse infinie pour vous : voilà mon équipage, et voilà avec quoi je vais à trois cents lieues de vous. Nous avons été fort incommodés de la chaleur. Un de mes beaux chevaux