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1671

je ne vous vois plus, que vous êtes à mille lieues de moi, que vous êtes grosse, que vous êtes malade ; songez… non, ne songez à rien, laissez-moi tout songer dans mes grandes allées, dont la tristesse augmentera la mienne : j’aurai beau m’y promener, je n’y trouverai point ce que j’y avois la dernière fois que j’y fus. Adieu, ma très-chère enfant ; vous ne me parlez point assez de vous. Marquez toujours bien la date de mes lettres. Hélas ! que diront-elles présentement ? Mon fils vous embrasse mille fois. Il me désennuie extrêmement ; il songe fort à me plaire. Nous lisons, nous causons, comme vous le devinez fort bien. La Mousse tient bien sa partie ; et par-dessus tout notre abbé, qui se fait adorer parce qu’il vous adore. Il m’a enfin donné tout son bien[1] : il n’a point eu de repos que cela n’ait été fait ; n’en parlez à personne, la famille le dévoreroit ; mais aimez-le bien sur ma parole, et sur ma parole aimez-moi aussi. J’embrasse ce fripon de Grignan, malgré ses forfaits.


171. — DU COMTE DE BUSSY RABUTIN À MADAME DE SÉVIGNÉ.

À Chaseu, ce 24e mai 1671.

Lorsque j’ai voulu faire réponse à votre lettre, ma chère cousine, j’ai été tout prêt à m’aller enfermer dans la chambre du père gardien des capucins d’Autun ; car je ne suis pas un homme à me laisser donner mon reste sur les bons exemples, non plus que sur autre chose. Mais, pour revenir à notre petite sœur de Sainte-Marie, je vous avouerai

  1. 9. Mme de Sévigné étoit la nièce bien-aimée de l’abbé de Coulanges, et comme il passoit sa vie avec elle, rien n’étoit plus naturel que la donation qu’il lui fit de son bien. (Note de Perrin.)