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depuis que vous êtes mariée. Le reste, c’est cent mille écus en me mariant, dix mille écus de Monsieur de Chalon[1], et vingt mille francs d’autres partages de certains oncles[2]. Mais n’admirez-vous point où ma plume me jette, ma chère enfant ? Je ferois bien de vous dire combien je vous aime tendrement, combien vous êtes les délices de mon cœur et de ma vie, et ce que je souffre tous les jours, quand je fais réflexion en quel endroit la Providence nous a placées pour la passer. Voilà de quoi je compose ma bile : je souhaite que vous n’en composiez point la vôtre ; vous n’en avez pas besoin en l’état où vous êtes. Vous avez un mari qui vous adore : rien ne manque à votre grandeur. Tâchez seulement de faire quelque miracle à vos affaires, qui ne vous rende point le retour de Paris entièrement impossible ; qu’il ne soit retardé que par les devoirs de votre charge, et point par nécessité. Voilà qui est bien aisé à dire, je voudrois qu’il le fût encore plus à faire ; les souhaits n’ont jamais été défendus.

Je viens d’écrire à Monsieur de Marseille, et comme il m’assure qu’il aura toute sa vie un respect extraordinaire pour l’évêque de Marseille[3], je le conjure aussi d’être persuadé que j’aurai toute ma vie une considération extrême pour la Marquise de Sévigné. Ma lettre sera capable de le faire crever, s’il a pour vous de méchantes intentions.

  1. 7. Jacques de Neuchèse, grand-oncle de Mme de Sévigné. Il lui avait fait ce don par contrat de mariage. Voyez la Notice, p. 34.
  2. 8. Les 530 000 livres de bien de Mme de Sévigné, si l’on compare le prix du marc d’argent monnaie, représentent, vers le milieu du dix-septième siècle, 959300 francs d’aujourd’hui. Si l’on compare le pouvoir de l’argent, la différence est plus grande : cette même fortune, au milieu du dix-septième siècle, équivaut à plus de deux millions de francs possédés vers 1840 ; et à la fin du dix-septième siècle, à plus de dix-sept cent mille francs. Voyez Leber, Appréciation de la fortune privée, 2e édition, p. 104.
  3. 9. Voyez la lettre précédente, p. 236.