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sans considérer les conséquences ni mes intérêts, je fais jeter de grands arbres à bas, parce qu’ils font ombrage, ou qu’ils incommodent mes jeunes enfants. Mon fils regarde cette conduite ; mais je ne lui en laisse pas faire l’application[1]. Pilois est toujours mon favori, et je préfère sa conversation à celle de plusieurs qui ont conservé le titre de chevalier au parlement de Rennes. Je suis libertine plus que vous : je laissai l’autre jour retourner chez soi un carrosse plein de Fouesnellerie[2], par une pluie horrible, faute de les prier de bonne grâce de demeurer ; jamais ma bouche ne put prononcer les paroles qui étoient nécessaires. Ce n’étoient pas les deux jeunes femmes, c’étoit la mère et une guimbarde de Rennes, et les fils. Mlle du Plessis est toute telle que vous la représentez, et encore un peu plus impertinente. Ce qu’elle dit tous les jours sur la crainte de me donner de la jalousie est une chose originale dont je suis au désespoir, quand je n’ai personne pour en rire. Sa belle-sœur[3] est fort jolie ; elle n’est ridicule en rien, et parle gascon au milieu de la Bretagne : j’en ai la même joie que vous avez de ma la Guette[4], qui parle parisien au milieu de la Provence. Cette petite basse Brette est fort aimable. Je vous trouve fort heureuse d’avoir Mme de Simiane[5] ; vous avez

  1. 6. Voyez la Notice, p. 115.
  2. 7. Fouesnel, famille de Rennes. (Note de Perrin.) Voyez la lettre suivante, p. 264. — Le sieur de Pois, seigneur de Fouesnel, était conseiller de grand’chambre au parlement de Bretagne, et suivant des notes secrètes envoyées à Colbert en 1663 par l’intendant de la province, il était l’un des plus forts de sa compagnie.
  3. 8. La femme de son frère, qui, d’après Walckenaer (tome V, p. 338), était établi en Provence.
  4. 9. Voyez la lettre 157, p. 169, et la note 17.
  5. 10. Madeleine Hay du Châtelet, femme de Charles-Louis marquis de Simiane, dont le fils Louis de Simiane épousa en 1695 Pauline de Grignan. Elle habitait Valréas, à deux lieues de Grignan.