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si mauvais temps. Quelle folie de quitter une si bonne mère, dont vous m’assurez qu’elle est si contente, pour aller chercher un homme au bout de la France ! Je vous assure qu’il n’y a rien qui choque tant la bienséance que ces sortes de conduites. Je crois que vous aurez été touché de la mort de cette aimable duchesse. J’étois si affligée moi-même, que j’aurois eu besoin de consolation en vous écrivant.

Ma fille me prie de vous mander le mariage de M. de Nevers[1] : ce M. de Nevers si difficile à ferrer, ce M. de Nevers si extraordinaire, qui glisse des mains alors qu’on y pense le moins, il épouse enfin, devinez qui ? Ce n’est point Mlle d’Houdancourt, ni Mlle de Grancey[2] ; c’est Mlle de Thianges[3], jeune, jolie, modeste, élevée à l’Abbaye-aux-Bois[4]. Mme de Montespan[5] en fait les noces dimanche ; elle en fait comme la mère, et en reçoit tous les honneurs[6]. Le Roi rend à M. de Nevers toutes ses charges ; de sorte que cette belle qui n’a pas un sou,

  1. 3. Philippe-Julien Mazarini Mancini, duc de Nevers en vertu du testament de son oncle le cardinal Mazarin, né à Rome en 1641, mort en 1707 à Paris, frère de la duchesse de Bouillon, etc. On joua à ses noces la Bérénice de Racine. C’était un honneur mal placé : il devint depuis chef de la cabale contre Racine.
  2. 4. Sur Mlle d’Houdancourt, voyez la note 10 de la lettre 131, et sur Mlle de Grancey, la lettre du 6 avril 1672.
  3. 5. Diane-Gabrielle de Damas, fille de Claude-Léonor de Damas, marquis de Thianges, et de Gabrielle de Rochechouart Mortemart, qui était la sœur aînée de Mme de Montespan. Elle mourut en 1715.
  4. 6. Couvent de religieuses de l’ordre de Cîteaux, établi rue de Sèvres par la reine Anne d’Autriche, vers le milieu du dix-septième siècle. Ces religieuses avaient été forcées par les guerres d’abandonner la vraie Abbaye-aux-Bois, située dans le diocèse de Noyon.
  5. 7. Françoise-Athénaïs, fille de Gabriel de Rochechouart, premier duc de Mortemart, née en 1641, femme, en 1663, de Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin, marquis de Montespan, morte en 1707.
  6. 8. La mère cependant vivait encore ; elle ne mourut qu’en 1693.