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nourrice en a beaucoup de soin, et que ce petit ménage va en perfection. Je prétends le trouver tout établi chez moi à Paris ; c’est une chose ridicule que les petites entrailles que je sens déjà pour cette petite personne. Mme de Villars m’écrit assez souvent, et me parle toujours de vous : elle est tendre, elle sait bien aimer ; elle comprend les sentiments que j’ai pour vous : cela me donne de l’amitié pour elle. Elle me prie de vous faire mille douceurs de sa part : sa lettre est pleine d’estime et de tendresse ; répondez-y par une petite demi-feuille que je lui puisse envoyer. Ce détour est beau pour aller jusques à elle ; mais pour les affaires pressées que vous avez ensemble il n’est pas besoin d’une plus grande diligence. La petite Saint-Géran[1] m’écrit des pieds de mouche que je ne saurois lire : je lui réponds des rudesses et des injures qui la divertissent, et moi aussi. Cette mauvaise plaisanterie n’est point encore usée ; quand elle le sera, je ne dirai plus rien, car je m’ennuierois fort d’un autre style avec elle.

Nous lisons toujours le Tasse avec plaisir ; je suis assurée que vous le souffririez, si vous étiez en tiers : il y a bien de la différence entre lire un livre toute seule, ou avec des gens qui entendent et relèvent les beaux endroits et qui par là réveillent l’attention. Cette Morale de Nicole est admirable, et Cléopatre va son train, sans empressement toutefois, c’est aux heures perdues. C’est ordinairement sur cette lecture que je m’endors ; le caractère m’en plaît beaucoup plus que le style. Pour les sentiments, j’avoue qu’ils me plaisent aussi, et qu’ils sont d’une perfection qui remplit mon idée sur les belles âmes. Vous savez aussi que je ne hais pas les grands coups d’épée,

  1. 4. La comtesse de Saint-Géran, mariée depuis quatre ans. Voyez la note 12 de la lettre 136.