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Le Coadjuteur est bon à garder longtemps. L’offre que vous lui faites d’achever de bâtir votre château est une chose qu’il acceptera sans doute : que feroit-il de son argent ? Cela ne paroîtra pas sur son épargne. Je trouverois fort mauvais qu’il prît mon appartement.

Ce que vous dites de cette maxime que j’ai faite sans y penser[1] est très-bien et très-juste. Je veux croire, pour ma consolation, que si je l’avois écrite moins vite, et que je l’eusse tournée avec quelque loisir, j’aurois dit comme vous ; en un mot, ma bonne, vous avez raison, et je ne donnerai jamais rien au public, que je ne vous consulte auparavant.

Vous avez écrit une lettre à la Mousse dont je vous dois remercier autant que lui ; elle est toute pleine d’amitié pour moi. D’Hacqueville est bien plaisant de vous avoir envoyé la mienne. Enfin Brancas m’a écrit une lettre si excessivement tendre, qu’elle récompense tout son oubli passé. Il me parle de son cœur à toutes les lignes ; si je lui faisois réponse sur le même ton, ce seroit une portugaise[2].

Il ne faut louer personne avant sa mort : c’est bien dit ; nous en avons tous les jours des exemples ; mais, après tout, mon ami[3] le public fait toujours bien : il loue quand on fait bien ; et comme il a bon nez, il n’est pas longtemps la dupe, et blâme quand on fait mal. Quand on va du mal au bien, il ne répond pas de l’avenir ; il parle de ce qu’il

  1. 6. Voyez la fin de la lettre du 28 juin précédent, p. 262.
  2. 7. Allusion aux Lettres portugaises traduites en françois, qui furent publiées en 1669 chez Claude Barbin, par Noël Bouton, marquis de Chamilly, maréchal en 1703. Sept nouvelles lettres furent ajoutées aux cinq premières dans une seconde édition qui parut la même année (1669).
  3. 8. Les mots mon ami ne sont pas dans les éditions de 1726 et de 1734 ; ils se lisent pour la première fois dans celle de 1754.