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quel ennui ! Voilà qui me feroit plus de mal mille fois qu’à personne du monde, et vous seule au monde seriez capable de me faire avaler ce poison. Oui, mon enfant, je vous le jure ; et si j’étois à Grignan, j’écumerois votre chambre pour vous faire plaisir, comme j’ai fait mille fois. Après cette marque d’amitié, ne m’en demandez plus, car je hais l’ennui plus que la mort, et j’aimerois fort à rire avec vous, Vardes et le Seigneur Corbeau. Ah ! défaites-vous de cette trompette du jugement : il y a vingt ans qu’elle me déplaît, et que je lui dois une visite.

Ma tante m’écrit mille choses de Catau, qui est arrivée en neuf jours : elle dit des merveilles de vous et de votre château et de votre grandeur. Pourquoi ne m’avez-vous point mandé que vous l’eussiez envoyée ? Elle est bien malheureuse ; son certificat qu’on vous envoyoit a été perdu. Je crains que vous ne soyez incommodée de ne l’avoir plus. Pour ma petite-enfant, elle est aimable, et sa nourrice au point de la perfection sans qu’il y manque rien. Mon habileté est une espèce de miracle, et me fait comprendre en amitié la merveille de ce maréchal qui devint peintre[1]. Il faut habiller la petite, et assurément je lui donnerai sa première robe, et parce qu’elle est ma filleule, et parce qu’elle ne me coûtera que quatre sous : laissez-moi faire et ne me remerciez point.

Je crains fort que ces cousins ne soient un sang échauffé ; c’est cela qui est traître et qui vous pourroit faire beaucoup de mal. Je vous conseillerois de vous rafraîchir et de prendre de bons bouillons : vous savez qu’il ne

  1. 4. Quinten Matsys ou Massys, né vers 1460, communément appelé le maréchal ou le forgeron d’Anvers, et par les Italiens il fabbro. — Dans l’édition de 1734 : « qui devint peintre par amour. » Dans celle de 1734 : « qui devint excellent peintre par amour. »