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à couvert de ce chapitre. J’espère que cette lettre vous trouvera gaie ; si cela est, je vous prie de la brûler tout à l’heure ; ce seroit une chose bien extraordinaire qu’elle fût agréable avec ce chien d’esprit que je me sens. Le Coadjuteur est bien heureux que je ne lui fasse pas réponse aujourd’hui.

J’ai envie de vous faire vingt-cinq ou trente questions pour finir dignement cet ouvrage. Avez-vous des muscats ? Vous ne me parlez pas des figues[1]. Avez-vous bien chaud ? vous ne m’en dites rien. Avez-vous de ces aimables bêtes que nous avions à Paris ? Avez-vous eu longtemps votre tante d’Harcourt ? Vous jugez bien qu’ayant perdu tant de vos lettres, je suis dans une assez grande ignorance, et que j’ai perdu la suite de votre discours. Pincez-vous toujours cette pauvre Golier[2] ? Vous battez-vous avec Adhémar[3] ? de ces batteries qui me font demander : « Mais que voulez-vous donc ? » Est-il toujours le petit glorieux ? Croit-il pas toujours être de bien meilleure maison que ses frères ? Ah ! que je voudrois bien battre quelqu’un ! Que je serois obligée à quelque Breton qui me viendroit faire une sotte proposition qui m’obligeât de me mettre en colère ! Vous me disiez l’autre jour que vous étiez bien aise que je fusse dans ma solitude, et que j’y penserois à vous : c’est bien rencontré ; c’est que je n’y pense pas toujours, au milieu de Vitré, de Paris, de la cour, et du paradis si j’y étois. Adieu, ma fille, voici le bon endroit de ma lettre. Je finis parce que je trouve que ceci extravague un peu : encore a-t-on son honneur à garder. Si je n’étois point brouillée avec le chocolat, j’en

  1. 3. Dans l’édition de 1754 : « Vous ne me parlez que des figues. »
  2. 4. Une des femmes de Mme de Grignan, déjà nommée à la fin de la lettre 133 : voyez plus haut, tome II, p. 61.
  3. 5. Voyez la note 8 de la lettre 132.