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temps, et qu’il n’y aura aucune ressource à vos fatigues passées. Cette pensée m’occupe et m’afflige beaucoup ; car enfin ce ne sont plus ici les premiers pas, ce sont les derniers : ce sont des brèches sur d’autres brèches, et des abîmes sur des abîmes. Nous en parlons souvent, notre abbé et moi, quoique peu instruits ; mais à vue de pays on juge bien où tout ceci peut aller. Cet endroit est bien digne de votre attention, car il n’y va pas d’une chute médiocre. On va bien loin, dit-on, quand on est las ; mais quand on a les jambes rompues, on ne va plus du tout. Je crois que vous êtes assez habile pour appuyer sur ces considérations, et pour en parler avec notre Coadjuteur, qui a tout ce qui est nécessaire pour vous bien conseiller ; car il a un grand sens, un bon esprit, un courage digne du nom qu’il porte : il faut tout cela pour décider dans une occasion comme celle-ci. Notre abbé s’estime bien heureux que vous comptiez son avis pour quelque chose ; il ne souhaite la vie et la santé que pour vous aller donner ses conseils, et prendre le jeton, dont vous savez qu’il s’aide parfaitement bien. Voici, ma chère enfant, une lettre qui n’est pas délicieuse ; mais encore faut-il parler quelquefois des choses importantes qui tiennent au cœur[1] ; et puis vous savez, et je vous l’ai dit en chanson, on ne rit pas toujours. Non assurément, il s’en faut beaucoup ; cependant il ne faut pas que vous fassiez de la bile noire. Songez uniquement à votre santé, si vous aimez la mienne, et croyez qu’aussitôt que je serai délogée à Pâques, je ne penserai plus qu’à vous aller voir et vous donner toutes les facilités possibles pour revenir avec moi, dans un degré moins élevé, mais plus commode. Que dit Adhémar du retour

  1. 3. Voyez la lettre de l’abbé de Coulanges à M. Prat (tome II, p. 43), et la Notice, p. 107, 131 et 132, 242, 244, 268, 289, 290.