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que vous ne m’aimez point aussi, et je n’irai point en Provence. Vos hirondelles auront beau m’appeler, point de nouvelles ; et de plus j’oubliois ceci : c’est que je vous ôterai votre femme. Pensez-vous que je vous l’aie donnée pour la tuer, pour détruire sa santé, sa beauté, sa jeunesse ? Il n’y a point de raillerie ; je vous demanderai cette grâce à genoux en temps et lieu. En attendant, admirez ma confiance de vous faire une menace de ne point aller en Provence. Vous voyez par là que vous ne perdez ni votre amitié, ni vos paroles ; nous sommes persuadés, notre abbé et moi, que vous serez aises de nous voir. Nous vous mènerons la Mousse, qui vous rend grâce de votre souvenir ; et pourvu que je ne trouve point une femme grosse, et toujours grosse, et encore grosse, vous verrez si nous ne sommes pas des gens de parole. En attendant, ayez-en un soin extrême, et prenez garde qu’elle n’accouche à Lambesc. Adieu, mon cher Comte.


Je reviens à vous, ma belle, et vous dis donc que je vous plains fort. Songez à ne pas accoucher à Lambesc : quand vous aurez passé le huitième, il n’y a plus d’heure. Vous avez présentement M. de Coulanges. Qu’il est heureux de vous voir ! qu’il a bien fait d’avoir pris courage, et vous de l’avoir pressé ! Embrassez-le pour moi, et vos autres Grignans ; car on ne sauroit s’empêcher de les aimer. Ma tante[1] me mande que votre enfant pince tout comme vous ; elle est méchante : je meurs d’envie de la voir. Hélas ! j’aurois grand besoin de cet homme noir[2]

  1. Lettre 212. — 1. Mme de la Trousse.
  2. 2. Mme de Sévigné fait allusion, comme on va le voir, à une histoire que lui avait contée sa fille, et à une croyance populaire qui