égayent leur plume à mes dépens. Il y a de certaines choses qu’on aimeroit tant à savoir ; mais de celles-là pas un mot. Quand quelque chose me plaît, je vous le mande, sans songer que peut-être je suis un écho moi-même ; si cela étoit, il faudroit m’en avertir par amitié.
J’écrivis l’autre jour à Figuriborum[1] sur son ambassade : il ne m’a point fait réponse ; je m’en prends à vous, ma bonne. Adieu, ma chère belle, je vous vois, je pense à vous sans cesse. Je vous aime de toute la tendresse de mon cœur, et je ne pense point qu’on puisse aimer davantage. Mille amitiés aux Grignans, à proportion de ce que vous croyez qu’ils m’aiment : cette règle est bonne, je m’en fie à vous. Mon abbé est tout à vous et la belle Mousse.
1671
214. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.
Me revoilà dans mes lamentations du prophète Jérémie. Je n’ai reçu qu’un paquet cette semaine, et voilà l’autre perdu. Vous n’avez point été sept jours sans m’é-
- ↑ 12. Ce sobriquet désigne probablement Charles Colbert, marquis de Croissy, le successeur de Pompone (1679). Ce qu’en dit Mme de Sévigné dans la lettre du 29 décembre 1675 s’accorde très-bien avec ce qu’en dit Saint-Simon (tome I, p. 346) : « C’étoit un homme d’un esprit sage, mais médiocre, qu’il réparoit par beaucoup d’application et de sens, et qu’il gâtoit par l’humeur et la brutalité naturelle de sa famille. » — Il était bien alors ambassadeur (en Angleterre ; il vint d’Angleterre à Dunkerque pendant le séjour de la cour en mai 1671 : Mémoires de Mademoiselle, tome IV, p. 281). Il semble, par cette même lettre du 29 décembre 1675, qu’il avait été l’objet des plaisanteries de Mlle de Sévigné : ne serait-ce pas l’explication de je m’en prends à vous ?