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1671

Pour des devises, hélas ! ma fille, ma pauvre tête n’est guère en état de songer, ni d’imaginer. Cependant, comme il y a douze heures au jour, et plus de cinquante à la nuit, j’ai trouvé dans ma mémoire une fusée poussée fort haut, avec ces mots :

Che peri, pur che s’inalzi.

Plut à Dieu que je l’eusse inventée ! je la trouve toute faite pour Adhémar : Qu’elle périsse, pourvu qu’elle s’élève ! Je crains de l’avoir vue dans ces quadrilles ; je ne m’en souviens pourtant pas précisément ; mais je la trouve si jolie, que je ne crois point qu’elle vienne de moi[1]. Je me souviens bien d’avoir vu dans un livre, au sujet d’un amant qui avoit été assez hardi pour se déclarer, une fusée en l’air, avec ces mots : Da l’ardore l’ardire[2] : elle est belle, mais ce n’est pas cela. Je ne sais

  1. 5. Mme de Sévigné avait de cette devise un souvenir confus. Il est en effet vraisemblable qu’elle avait vu, au carrousel donné par Louis XIV, le 5 juin 1662, la devise du comte d’Illiers, qui ne diffère que par une nuance de celle qu’elle indique ici. Ce seigneur, de l’ancienne maison d’Entragues, avait fait peindre sur ses armes une fusée s’élevant dans les airs, avec ces mots : Poco duri, pur che m’inalzi ; « que je dure peu, pourvu que je m’élève. » Mme de Sévigné avait sans doute conduit sa fille à ces fêtes magnifiques qui attirèrent toute l’Europe, et qui ont donné leur nom à la place du Carrousel. Les descriptions en étaient d’ailleurs très-répandues, et elle avait pu parcourir le beau livre sorti des presses de l’Imprimerie royale (en 1670), qui nous en a fait connaître les détails. — Cette devise se trouve aussi dans le livre du P. Bouhours, p. 490. Voyez la note 10 de la lettre précédente.
  2. 6. De mon ardeur ma hardiesse. C’est ainsi que cette devise, qui était celle du maréchal de Bassompierre, et qui signifie littéralement de l’ardeur (naît) l’oser, est traduite par le P. Bouhours, qui la discute longuement (p. 413 et suivantes). Elle se trouve, avec une fusée en l’air, dans le Recueil du carrousel de 1612 (le Camp de la place Royale), publié par Porchère Laugier : voyez Tallemant des Réaux, tome IV, p. 322.