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J’ai reçu votre lettre du 13e ; c’est au bout de sept jours présentement. En vérité, je tremble de penser qu’un enfant de trois semaines ait eu la fièvre et la petite vérole. C’est la chose du monde la plus extraordinaire. Mon Dieu ! d’où vient cette chaleur extrême dans ce petit corps ? Ne vous a-t-on rien dit du chocolat ? Je n’ai point le cœur content là-dessus. Je suis en peine de ce petit dauphin ; je l’aime, et comme je sais que vous l’aimez, j’y suis fortement attachée. Vous sentez donc l’amour maternelle ; j’en suis fort aise. Eh bien ! moquez-vous présentement des craintes, des inquiétudes, des prévoyances, des tendresses, qui mettent le cœur en presse, du trouble que cela jette sur toute la vie ; vous ne serez plus étonnée de tous mes sentiments. J’ai cette obligation à cette petite créature. Je fais bien prier Dieu pour lui, et n’en suis pas moins en peine que vous. J’attends de ses nouvelles avec impatience ; je n’ai pas huit jours à attendre ici comme aux Rochers. Voilà le plus grand agrément que je trouve ici ; car enfin, ma bonne, de bonne foi, vous m’êtes toutes choses, et vos lettres que je reçois deux fois la semaine font mon unique et sensible consolation en votre absence. Elles sont agréables, elles me sont chères, elles me plaisent. Je les relis aussi bien que vous faites les miennes ; mais comme je suis une pleureuse, je ne puis pas seulement approcher des premières lignes[1] sans pleurer du fond de mon cœur.

Est-il possible que les miennes vous soient agréables au point que vous me le dites ? Je ne les trouve point telles au sortir de mes mains ; je crois qu’elles deviennent ainsi quand elles ont passé par les vôtres : enfin, ma bonne, c’est un grand bonheur que vous les aimiez ; car,

  1. 10. C’est le texte de l’édition de la Haye. Dans le manuscrit, il y a seulement des premières.