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avez traité votre accouchement comme celui de la femme d’un colonel suisse ; vous ne prenez point assez de bouillons ; vous avez caqueté dès le troisième jour ; vous vous êtes levée dès le dixième ; et vous vous étonnez après cela si vous êtes maigre. J’espérois que vous vous amuseriez à vous conserver, à vous restaurer, à vous rengraisser. Où avez-vous pris la fantaisie d’imiter Mme de Grussol ? Je tâche toujours de vous corriger par les exemples : cette conduite ne la change point, mais elle vous changera. Enfin c’est me fâcher et m’offenser, que de défigurer votre beau visage : vous savez comme je l’aime ; ne devriez-vous pas le conserver pour l’amour de moi ?

Vous dites bien, quand vous dites que la Provence est ma demeure fixe, puisque c’est la vôtre. Paris me suffoque, et je voudrois déjà être partie pour Grignan. Mais, ma fille, quelle solitude, si vous allez dans votre château ! Vous serez comme Psyché sur sa montagne[1]. Je ne puis être contente où vous n’êtes pas : c’est une vérité que je sens à toute heure ! Vous me manquez partout, et tout ce qui me fait souvenir de vous me traverse le cœur. Le voyage du Roi devient incertain, quoique les troupes marchent. Le pauvre la Trousse s’en va, et Sévigné s’achemine déjà. Ils vont à Cologne : cette équipée les désespère.

Adieu, mon ange. M. de Coulanges vous adore. Je me trouve très-bien chez lui[2], et je pousserai l’air de la petite

  1. Lettre 232. — 1. Voyez le livre II des Amours de Psyché de la Fontaine, publiés pour la première fois, avec le poëme d’Adonis, en 1669.
  2. 2. Coulanges habita longtemps dans la rue du Parc-Royal. On lit dans une adresse en vers écrite de sa main dans le volume de ses chansons :

    Ma paroisse a nom Saint-Gervais,
    Le Parc-Royal ma rue.

    C’est probablement là qu’il reçut Mme de Sévigné. En 1690, il alla demeurer au Temple ; en 1695, il était rue des Tournelles. Sa maison paternelle était rue des Francs-Bourgeois. Voyez les Mémoires de