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1672


à la province ; et quand on seroit obligé d’envoyer les ordres, il y a des gens sages qui disent qu’il en faudroit suspendre l’exécution jusqu’à la réponse de Sa Majesté, à laquelle M. de Grignan écriroit une lettre d’un homme qui est sur les lieux, et qui voit que pour le bien de son service il faut tâcher d’obtenir un pardon de sa bonté pour cette fois. Si vous saviez comme certaines gens blâment M. de Grignan, pour avoir trop peu considéré son pays en comparaison de l’obéissance qu’il vouloit établir, vous verriez bien qu’il est difficile de contenter tout le monde ; et s’il avoit fait autrement, ce seroit encore pis. Ceux qui admirent la beauté de la place où il est n’en savent pas les difficultés. Par exemple, n’êtes-vous pas à plaindre présentement ? Le voyage du Roi est entièrement rompu ; mais les troupes marchent toujours à Metz. Sévigné y est déjà ; la Trousse s’en va : tous deux plus chargés de bonnes intentions que d’argent comptant.

Voilà l’archevêque de Reims[1] qui commence par vous faire mille compliments très-sincères. Il dit que Monsieur d’Uzès n’a point vu son père aujourd’hui ; il m’assure encore que le Roi est très-content de votre mari ; qu’il reçoit le présent de votre province ; mais que pour n’avoir pas été obéi ponctuellement, il envoie des lettres de cachet pour exiler des consuls : on ne peut en dire davantage par la poste. Ce qu’il faut faire en général, c’est d’être toujours très-passionné pour le service de Sa Majesté ; mais il faut tâcher aussi de ménager un peu les cœurs des Provençaux, afin d’être plus en état de faire obéir le Roi dans ce pays-là. M. de la Rochefoucauld vous mande, et moi avec lui, que si la lettre que vous lui avez écrite ne vous paroît pas

  1. 2. Charles-Maurice le Tellier, archevêque de Reims depuis le 3 août 1671. Voyez la note 1 de la lettre 74.