Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 2.djvu/525

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 519 —

1672


quelquefois les riens que ma plume veut dire ; je ne la contrains point : je suis bien heureuse que de tels fagotages vous plaisent. Il y a des gens qui ne s’en accommoderoient pas ; mais je vous prie au moins de ne les point regretter, quand je serai avec vous. Me voilà jalouse de mes lettres.

Le dîner de M. de Valavoire effaça entièrement le nôtre, non pas par la quantité des viandes, mais par l’extrême délicatesse, qui a surpassé celle de tous les Coteaux[1]

Hé ! ma fille, comme vous voilà faite ! Mme de la Fayette vous grondera comme un chien. Coiffez-vous demain pour l’amour de moi : l’excès de la négligence étouffe la beauté ; vous poussez la tristesse au delà de toutes les mesures.

J’ai fait tous vos compliments ; tous ceux que l’on vous fait surpassent le nombre des étoiles. À propos d’étoiles, la Gouville[2] étoit l’autre jour chez la Saint-Loup[3] qui a perdu son vieux Page. La Gouville discouroit et parloit de son étoile ; enfin que c’étoit son étoile qui avoit fait ceci, qui avoit fait cela. Segrais se réveilla comme d’un sommeil, et lui dit : « Mais, Madame, pensez-vous avoir

  1. Lettre 254. — 1. « Boisrobert fit une satire contre d’Olonne, Sablé Bois-Dauphin et Saint-Évremont, que l’on appelait les Coteaux. Cela vient de ce qu’un jour Monsieur du Mans (Lavardin), qui tient table, se plaignit fort de la délicatesse de ces trois messieurs, et dit qu’en France il n’y avoit pas quatre coteaux dont ils approuvassent le vin. Le nom de Coteaux leur demeura, et même on nomme ainsi ceux qui sont trop délicats, et qui se piquent de raffiner en bonne chère. » (Tallemant des Réaux, tome II, p. 412.) — Voyez la satire iii de Boileau, v. 107.
  2. 2. Voyez la note 2 de la lettre 30.
  3. 3. Diane Chasteignier de la Roche-Posay, seconde femme du riche financier le Page. Elle se faisait appeler dame de Saint-Loup, du nom d’une terre que son mari lui avait achetée en Poitou. On voit par ce passage qu’en 1672 Mme de Saint-Loup était veuve de le Page. Voyez les Mémoires de Gourville, tome LII, p. 304, et Tallemant des Réaux, tome VI, p. 171 et suivantes.