Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 2.djvu/548

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 542 —

1672


préjudice des lettres de change qui vont leur train. Tout le monde est abîmé et tout le monde partira. On dit que la petite vérole est à Grignan : est-il vrai ? Cela me consoleroit de mon retardement. Enfin, ma chère enfant, soyez très-persuadée que nous ne songeons qu’à partir, et qu’il n’y a rien devant cette envie ni devant ce voyage : le chaud même ne m’arrêtera point.

Vous me demandez le mal de ma tante : c’est une hydropisie de vent et d’eau ; elle est très-enflée ; elle n’a plus de place pour se nourrir[1] ; le lait, qui est l’unique remède, ne peut pas réparer tant de sécheresse. Elle est usée ; son foie est gâté ; elle a soixante-six ans : voilà son mal. Le mois d’avril nous décidera sur sa mort ou sur sa vie. J’y passe bien des heures, et je suis très-affligée de son état : vous savez comme je l’ai toujours aimée, et si je le lui ai témoigné.

Ce que vous dites sur le cœur adamantino[2] est admirable : ce seroit une grande commodité de l’avoir ainsi ; non pas comme celui que nous entendons, mais adamantino au pied de la lettre : sans cela, on souffre mille sortes de tourments. Il est vrai que l’amour doit être bien glorieux : il l’est bien aussi ; mais que M. de Grignan est heureux d’être si chrétien ! j’espère qu’il me convertira.

On ne donne point la charge[3] de M. de Lauzun. Vous pouvez raisonner là-dessus, et sur son embrasement[4] ;

  1. 5. Ce membre de phrase, que nous reproduisons d’après l’édition de 1754, manque dans celle de 1734, où cette lettre a été imprimée pour la première fois.
  2. 6. Voyez la lettre 255, p. 530.
  3. 7. De capitaine des gardes. — Elle fut donnée, le 2 octobre suivant, au duc de Luxembourg. Voyez les Mémoires de Mademoiselle, tome IV, p. 324 et 335.
  4. 8. Lauzun, nouvellement amené à Pignerol, avait mis le feu au parquet de sa chambre, et Louvois, prévenu par Saint-Mars, avait