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294. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Livry, ce dimanche au soir 3e juillet.

Hélas ! ma bonne, j’ai bien des excuses à vous faire de la lettre que je vous ai écrite tantôt en partant pour venir ici. Je n’avois point reçu votre lettre ; mon ami de la poste m’avoit mandé que je n’en avois point ; j’étois au désespoir. J’ai laissé le soin à Mme de la Troche de vous mander toutes les nouvelles, et je suis partie là-dessus.

Il est dix heures du soir ; et M. de Coulanges que j’aime comme ma vie, et qui est le plus joli homme du monde, m’envoie votre lettre qu’il a reçue dans son paquet ; et pour me donner cette joie, il ne craint point d’envoyer son laquais au clair de la lune : il est vrai, ma bonne, qu’il ne s’est pas trompé dans l’opinion de m’avoir fait un grand plaisir ; il est très-sensible, je vous l’avoue ; et je crois même que vous n’en doutez pas.

Je suis fâchée que vous ayez perdu un de mes paquets ; comme ils sont pleins de nouvelles, cela vous dérange, et vous ôte du train de ce qui se passe. Vous devez avoir reçu des relations fort exactes, qui vous auront fait voir que le Rhin[1] étoit mal défendu ; le grand miracle, c’est de l’avoir passé à la nage. Monsieur

  1. Lettre 294 (revue sur une ancienne copie). — 1. C’est le texte de l’édition de la Haye (1726), et de celles de Perrin. Dans le manuscrit et dans l’édition de Rouen (1726), au lieu du Rhin il y a l’Yssel. — « On doit reconnaître, dit M. Rousset, que Montbas (gentilhomme français au service des états généraux) ne faisait pas bonne garde, et que les Hollandais ont eu de justes motifs de l’accuser de négligence, sinon de trahison : à peine y avait-il à Tolhuys onze à douze cents hommes, infanterie et cavalerie. Ils n’eurent même pas le temps de se reconnaître. » (Histoire de Louvois, tome I, p. 359.)