Il faut dire le vrai, vous êtes bien tendre de faire plus de trois cents lieues pour voir les gens que vous aimez. Ce ne seroit rien à nous autres galants pour une dame comme Mme de Grignan, qui seroit fort aise de nous voir ; mais pour une mère qui n’a que de la tendresse, c’est quelque chose que cette peine. Ramenez la belle, j’en serai fort aise ; car j’aime à voir finir les exils.
1672
302. — DE MADAME DE COULANGES À MADAME DE SÉVIGNÉ ET À MADAME DE GRIGNAN.
J’ai reçu vos deux lettres, ma belle, et je vous rends mille grâces d’avoir songé à moi dans le lieu où vous êtes. Il fait un chaud mortel ; je n’ai d’espérance qu’en sa violence[1]. Je meurs d’envie d’aller à Grignan ; ce mois-ci passé, il n’y faudra pas songer ; ainsi je vous irai voir assurément, s’il est possible que je puisse arriver en vie ; au retour, vous croyez bien que je ne serai pas dans cet embarras. Le marquis de Villeroi passe sa vie à regretter le malheur qui l’a empêché de vous voir. Les violons sont tous les soirs en Bellecour[2]. Je m’y trouve peu, par la raison que je quitte peu ma mère : dans l’espérance d’aller à Grignan, je fais mon devoir à merveilles ; cela m’adoucit l’esprit. Mais quel changement ! vous souvient-il de la figure que Mme Solus[3] faisoit dans le temps que vous étiez ici ? Elle a fait imprudemment ses délices de