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Bourbilly[1]. Ma fille vous fait une amitié, quoique vous ne songiez pas à elle.

de corbinelli.

J’aurois un fort grand besoin, Monsieur, que le bruit de ma dévotion continuât. Il y a si longtemps que le contraire dure, que ce changement en feroit peut-être un à ma fortune. Ce n’est pas que je ne sois pleinement convaincu que le bonheur et le malheur de ce monde ne soit le pur et unique effet de la Providence, où la fortune ni le caprice des rois[2] n’ont aucune part. Je parle si souvent sur ce ton-là, qu’on l’a pris pour le sentiment d’un bon chrétien, quoiqu’il ne soit que celui d’un bon philosophe. Mais quand le bruit qui a couru eût été véritable, ma dévotion n’eût pas été incompatible avec ma persévérance à vous honorer, et à vous reconfirmer souvent les mêmes sentiments que j’ai eus pour vous toute ma vie. Vous savez quel honneur je me suis toujours fait de votre amitié, et si la grâce efficace auroit pu détruire une pensée si raisonnable.

Nous vous écrivîmes une grande lettre à notre autre voyage ici, et nous avons vingt fois raisonné sur votre indolence. Mais va-t-elle jusqu’à ne point regretter de n’être point à Maestricht à tuer des Hollandois et des Espagnols à la vue du Roi ? Qu’en dites-vous ? Les poëtes vont dire des merveilles[3] : le sujet est ample et beau. Ils diront que leur grand monarque a vaincu la Hollande

  1. 6. Cette phrase et la précédente manquent dans le manuscrit de l’Institut.
  2. 7. Dans le manuscrit de l’Institut, Bussy a omis les mots : « ni le caprice des rois. »
  3. 8. « Les orateurs aussi bien que les poëtes en diront des merveilles à qui mieux mieux. » (Manuscrit de l’Institut.)