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sans renoncer à l’aimer ; car elle me trouvera toujours quand elle voudra se faire justice : j’ai de bons témoins de ma conduite avec elle, qui sont persuadés que j’ai raison, et qui admirent quelquefois ma patience. Ne me répondez qu’un mot sur tout cela ; car si la fantaisie lui prenoit de voir une de vos lettres, tout seroit perdu d’y trouver votre improbation. Elle n’a point encore vu de vos lettres ; il faut bien des choses pour en être digne à mon égard. Mme de Villars est ma favorite là-dessus : si j’étois reine de France ou d’Espagne, je croirois qu’elle me veut faire sa cour ; mais ne l’étant pas, je vois que c’est de l’amitié pour vous et pour moi. Elle est ravie de votre souvenir. Elle ne partira point sitôt, par une petite raison que vous devinerez, quand je vous dirai qu’elle ne peut aller qu’aux dépens du Roi son maître, et que ses assignations sont retardées[1]. Cependant nous disons fort que nous n’avons rien contre l’Espagne ; ils sont dans les règles du traité. L’ambassadeur est ici, remplissant tous nos Minimes de sa belle livrée.

Ma chère enfant, je m’en vais prier Dieu, et me disposer à faire demain mes pâques : il faut au moins tâcher de sauver cette action de l’imperfection des autres. Je vous aime et vous embrasse, et voudrois bien que mon cœur fût pour Dieu comme il est pour vous.


  1. 9. Mme de Villars devoit aller en Espagne, où le marquis de Villars, son mari, venoit d’être nommé ambassadeur extraordinaire. (Note de Perrin.)