Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 3.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 23 —

1672

266. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 20e avril.

Vous me promettez donc de m’envoyer les chansons que l’on fera en Barbarie ; votre conscience sera bien moins chargée de me faire part des médisances de Tunis et d’Alger, que la mienne ne l’est de celles que je vous ai mandées. Ma fille, quand je songe que votre plus proche voisine est la mer Méditerranée, j’ai le cœur tout troublé et tout affligé : il y a de certaines choses qui font peur ; elles n’apprennent rien de nouveau ; mais c’est un point de vue qui surprend.

Je vis hier vos trois Provençaux : le Spinola en est un[1]. Il m’a donné votre lettre du 21e mars ; si je le puis servir, je le ferai de mon mieux : j’honore son nom. Il y a un Spinola qui a perdu romanesquement une de ses mains ; c’est un Artaban[2]. Celui-ci m’a montré une lettre italienne qui n’est pleine que de vous ; je vous l’envoie : l’exclamation au roi de France me plaît fort. Il dit que vous parlez très-bien italien ; je vous en loue, rien n’est plus joli : si j’avois été en lieu de m’y pouvoir accoutumer, je l’aurois fait ; ne vous en lassez point.

Je crois que Monsieur d’Uzès vous aura conté sa conversation avec le Roi, à laquelle on ne peut rien ajouter :

  1. Lettre 266. — 1. Mme de Sévigné met au rang des trois Provençaux M. de Spinola, qui vraisemblablement étoit Génois, et par conséquent plus Italien que Provençal. (Note de Perrin.) — Il est parlé (ancien tome X, p. 251) d’un chevalier de Spinola qui en 1700 commandait un vaisseau de Malte coulé bas par les Turcs, et (tome V, p. 309, de la Correspondance de Bussy) d’un Spinola qui un jour baisant la main du Roi lui mordit le doigt : voyez la note à la lettre du 7 août 1682.
  2. 2. Voyez la lettre 75, note 2.