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à mon arrivée en Provence : j’aurois grand regret à mon voyage, si j’y trouvois de telles glaces.

Je touche enfin mon départ du bout du doigt ; mais ce qui me donne congé me coûtera bien des larmes. C’est quelque chose de pitoyable que l’état de ma pauvre tante ; son enflure augmente tous les jours ; c’est un excès de douleur qui serre le cœur des plus indifférents. Mme de Coulanges pleura hier en lui disant adieu. Ce ne fut pourtant pas un adieu en forme ; mais comme elle et son mari pensoient que c’étoit pour jamais, ils étoient très-affligés. Pour moi, qui passe une grande partie de mes jours à soupirer auprès d’elle, je suis accablée de tristesse. Elle me fait des caresses qui me tuent ; elle parle de sa mort comme d’un voyage ; elle a toujours eu un très-bon esprit ; elle le conserve jusqu’au bout. Elle a reçu ce matin Notre-Seigneur en forme de viatique, et pour ses pâques ; mais elle croit le recevoir encore une fois. Sa dévotion étoit admirable ; nous fondions tous en larmes. Elle étoit assise ; elle ne peut durer au lit ; elle s’est mise à genoux : c’étoit un spectacle triste et dévot tout ensemble.

J’ai quitté M. et Mme de Coulanges avec déplaisir ; ils ont beaucoup d’amitié pour moi ; je compte les retrouver à Lyon. Je m’en vais m’établir et me ranger dans mon petit logis, en attendant le plaisir de vous y voir avec moi. On dit que la brune[1] a repris le fil de son discours

  1. 4. Grouvelle et les éditeurs qui l’ont suivi mettent entre parenthèses, à côté de ce nom : Mme de Coetquen. On se rappelle qu’elle avait été, avant la mort de Madame Henriette, maîtresse du chevalier de Lorraine, qui à son retour de Rome seulement (à en croire Madame de Bavière, tome II, p. 118) devint l’amant déclaré de Mlle de Grancey. Du reste « toutes ces dames étoient brunes, » mais plus que les autres peut-être la comtesse de Soissons, « la noire Olympe Mancini. » (Voyez plus haut, p. 11, le récit de la fête ; M. Michelet,