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conduite à Consarbrick(2).On me vient d’envoyer de Metz une relation exacte de cette déroute, par laquelle je vois que la tête a tourné au maréchal de Créquy dès qu’il vit les ennemis il n’y a que cela à croire, ou qu’il a eu intelligence avec eux. Il vit défiler leur infanterie sur un pont sans faire tirer son canon sur elle, et sans la faire charger à demi passée quoiqu’il eût la moitié moins de troupes que les confédérés, il les laissa tous passer la Sarre tranquillement pour venir à lui, et fit comme s’il eût appréhendé qu’il lui en fût échappé un seul.

Vous voyez bien, Madame, qu’il faut avoir perdu l’esprit pour en user ainsi ; cependant c’est ce général que l’on nomma d’abord pour remplacer M. de Turenne que sont donc les autres qui ont moins de capacité que lui ? Il faut dire la vérité, une partie des maréchaux qu’on vient de faire est indigne de l’être. D’ordinaire le mérite attire cette dignité; ici l’on a commencé par où l’on devoit finir on a donné l’honneur, espérant que le mérite viendroit après ; et en attendant le mérite, bien souvent viennent les déroutes, comme vous voyez.

Tout ce qu’a répondu le Roi aux courtisans sur l’affaire de Consarbrick est admirable les uns ont été mal récompensés de leur fausse générosité, les autres de leur blâme sans raison, et les autres de leur basse flatterie. Il faut parler juste devant un prince d’aussi bon entendement que le Roi, et particulièrement quand il vient de perdre une bataille.

Je savois déjà la question du vieux Parabère, et la réponse du duc de Weimar c’est ce vieux sot à qui feu

2. Bussy n’aimait pas le maréchal de Créquy. Il l’a fort maltraité dans son récit de la bataille des Dunes (tome II, p. 60 et suivantes, de ses Mémoires). Voyez aussi sa lettre du 29 juillet 1668, p. 518 de notre tome I ;