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1675
440. —— DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.
À Paris, mercredi 4e septembre.

Madame de Puisieux m’a mandé que je croyois partir aujourd’hui, et qu’elle me donnoit avis que je ne partois que lundi ; je l’ai crue sans raisonner : me voilà donc, ma très-chère, jusques à lundi. La cour revient vendredi. J’irai encore au service de M. de Turenne[1], et je recevrai vos lettres réglément encore un peu de jours : c’est précisément la chose que je regrette le plus quand elle me manque. Je reviens à vendredi dernier : après vous avoir écrit, je retournai prendre le cardinal de Bouillon, Mme d’Elbeuf et Barillon ; notre promenade fut triste, mais charmante, au clair de la lune. Il me donna la lettre que je vous envoie, et me pria fort de l’envoyer le même jour ; je ne l’ai pas fait. Le gros abbé m’a fait encore sa cour avec une de vos lettres ; il vous a mandé tout ce qu’il y a de nouvelles. Le siège d’Haguenau levé[2], c’est bien loin des malheurs que vous prévoyiez ; mais ce Montecuculi n’a quitté cette ville que pour embarrasser Monsieur le Prince, qui se trouvant plus foible que lui, s’est un peu retiré vers Sélestat[3]. M. de Lorraine, en

  1. LETTRE 440. — Ce service fut célébré le 9 dans l’église Notre-Dame, le jour même du départ de Mme de Sévigné, qui n’y assista pas. Voyez la lettre du 9 septembre, p. 125.
  2. M. de Matthieu, qui commandoit dans Haguenau, étoit lieutenant-colonel du régiment de la Marine, et officier d’une grande distinction. Il avoit dit plusieurs fois, avant que la place fût assiégée : Tant que Matthieu sera, Haguenau au Roi sera. Il devint colonel du régiment de la Marine le 29 août 1675, c’est-à-dire peu de jours après la levée du siège. (Note de Perrin, 1754.)
  3. Le 28 août, le prince de Condé était venu camper à Benfeld, et le 29 à Kestenholz sous Schlestadt ; puis voyant que les Impériaux ne s’étaient avancés que « pour gagner le passage de Benfeld et avoir ainsi la facilité d’entrer dans la haute Alsace, » il avait ordonné, dès le 30, à toute l’infanterie d’élever des retranchements, qui furent achevés le 3 septembre, depuis la montagne jusqu’à Schlestadt. Voyez la Gazette des 7 et 14 septembre.