Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 119 —


1675 belle chose que je ne susse vivre qu’avec les gens qui me sont agréables : je me souviendrai de vos sermons ; je m’amuserai à payer mes dettes et à manger mes provisions ; je penserai beaucoup à vous, ma très-chère bonne ; je lirai, je marcherai, j’écrirai, je recevrai de vos lettres : hélas la vie ne se passe que trop ; elle s’use partout. Je porte une infinité de remèdes bons ou mauvais ; je les aime tous, mais surtout il n’y en a pas un qui n’ait son patron, et qui ne soit la médecine de mes voisins : j’espère que cette boutique me sera fort inutile, car je me porte extrêmement bien.

Je fus avant-hier toute seule à Livry, me promener délicieusement avec la lune ; j’y fus depuis six heures du soir jusqu’à minuit, il n’y avoit aucun serein ; j’étois faite comme un vrai stratagème[1]. Je me suis fort bien trouvée de cette petite équipée : je devois bien cet adieu à la belle Diane et à l’aimable abbaye. Il n’a tenu qu’à moi d’aller à Chantilly en très-bonne compagnie ; mais je ne me suis pas trouvée assez libre pour faire un si délicieux voyage ; ce sera pour le printemps qui vient.

J’ai été tantôt chez Mignard, pour voir le portrait de Louvigny : il est parlant ; mais je n’ai pas vu Mignard : il peignoit Mme de Fontevrault, que j’ai regardée par le trou de la porte ; je ne l’ai pas trouvée jolie ; l’abbé Têtu étoit auprès d’elle, dans un charmant badinage ; les Villars étoient à ce trou avec moi : nous étions plaisantes[2].

  1. Comme un fantôme ; voyez les lettres des 5 et 26 juillet précédents, tome III, p. 508 et 531. — Ces mots « J’étois faite, ete., » ne se trouvent que dans l’édition de la Haye (1726). À la ligne suivante on lit dans la première édition de Perrin cette honnêteté, au lieu de cet adieu.
  2. Cette dernière phrase, depuis « J’ai été tantôt, etc., » n’est que dans l’édition de 1754, ainsi que la seconde du paragraphe suivant : « Pour moi, j’emporte, etc. »