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1675
442. —— DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.
À Paris, lundi 9e septembre.

Adieu, ma très-chère, je m’en vais monter en carrosse. Je quitte Paris pour quelque temps, avec la douleur de ne recevoir plus si réglément vos lettres, ni celles de mon fils, dont l’armée n’est point tant composée de pâtissiers, que je ne sois fort en peine de lui, non pas quand je pense au prince d’Orange, mais à M. de Luxembourg, qui est dans l’armée de mon fils, et à qui les mains démangent furieusement. Hélas ! vous souvient-il de notre folie, que M. de Turenne étoit dans l’armée de votre frère ? Enfin, voilà tous mes commerces dérangés, et je ne puis plus être bonne seulement à votre divertissement : tout le fagotage de bagatelles que je vous mandois va être réduit à rien ; et si vous ne m’aimiez, vous feriez fort bien de ne pas ouvrir mes lettres. Je m’en vais donc, ma très-chère, avec le bon abbé et Marie, et deux hommes à cheval ; j’ai six chevaux ; je m’en vais par Orléans et par Nantes ; je vous écrirai par les chemins : c’est une de mes tendresses, comme dit Monceaux[1].

Je n’ai jamais vu un homme adorable comme d’Hacqueville ; je ne sais pas comme sont les autres, mais pour celui que nous connoissons, je croirois qu’il n’a point son pareil, sans la notoriété qui dit les d’Hacquevilles[2]. Je lui ai recommandé une affaire du sénéchal de Rennes[3] (ne le connoît-on point dans votre voisinage ?). Il avoit une affaire épineuse, où il falloit de l’habileté : je priai

  1. LETTRE 442. Voyez la Notice, p. 156 et 157.
  2. Voyez tome II, p. 385, note 1.
  3. Comparez tome II, p. 330, et la lettre du 24 juillet 1689.