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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/129

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1675Je dis hier adieu à M. de la Garde. S’il vous embrasse, laissez-le faire, c’est pour moi : je l’aime et l’estime beaucoup ; profitez bien de son bon esprit. Conservez votre santé, ma chère enfant, si vous m’aimez. J’entends que vous me dites la même chose, et je vous assure que je le ferai dans la vue de vous plaire. Ne vous amusez point à vous inquiéter en l’air : cela n’est point de votre bon esprit. Conservez bien votre courage, et m’en envoyez un peu dans vos lettres : c’est une bonne provision dans cette vie. Parlez-moi beaucoup de vous : tous les détails sont admirables quand l’amitié est à un certain point.

Écrivez à notre cher cardinal. Savez-vous bien que vous n’avez point pensé droit sur la cassolette[1], et qu’il a été piqué de la hauteur dont vous avez traité cette dernière marque de son amitié ? Assurément vous avez outré les beaux sentiments : ce n’est pas là, ma fille, où vous devez sentir l’horreur d’un présent d’argenterie ; vous ne trouverez personne de votre sentiment, et vous devez vous défier de vous, quand vous êtes seule de votre avis.

Je dis adieu au plus beau de tous les prélats[2] hier au soir. Il me pria de lui prêter mon portrait, c’est-à-dire le vôtre, pour le porter chez Mme de Fontevrault[3] : je le refusai rabutinement, et lui dis que je l’avois refusé à Mademoiselle ; et en même temps je le portai moi-même dans une petite chambre ; car on ne veut pas s’y accoutumer dans un cabinet ; et il fut placé et reçu avec tendresse

  1. Voyez plus haut la lettre du 22 août, p. 81 et 82. Après bien des façons, Mme de Grignan finit par accepter ce présent du Cardinal voyez la lettre du 23 octobre suivant, et celle du 11 juin 1676, vers la fin.
  2. Le Coadjuteur.
  3. Voyez la lettre du 2 octobre suivant, p. 158.