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1675blement séparés mais la douleur de la demoiselle est fréquente, et même jusques aux larmes, de voir à quel point l’ami s’en passe bien : il ne pleuroit que sa liberté, et ce lieu de sûreté contre la dame du château[1] ; le reste, par quelque raison que ce puisse être, ne lui tenoit plus au cœur : il a retrouvé cette société qui lui plaît[2] ; il est gai et content de n’être plus dans le trouble, et l’on tremble que cela ne veuille dire une diminution, et l’on pleure ; et si le contraire étoit, on pleureroit et on trembleroit encore : ainsi le repos est chassé de cette place. Voilà sur quoi vous pouvez faire vos réflexions, comme sur une vérité: je crois que vous m’entendez.

Pour l’Angleterre, Kéroual[3] n’a été trompée sur rien ; elle avoit envie d’être maîtresse du Roi[4] , elle l’est : il couche quasi toutes les nuits avec elle[5], à la vue de toute la cour ; elle a un fils qui vient d’être reconnu, à qui on a donné deux duchés. Elle amasse des trésors, et se fait redouter et respecter de qui elle peut ; mais elle n’avoit pas prévu de trouver en son chemin une jeune comédienne[6],

  1. La Reine. Voyez Walckenaer, tome V, p. 244.
  2. « Le repos qui lui plaît. » (Édition de la Haye, 1726.)
  3. Louise-Renée de Penancoët de Kéroualle, créée en 1672 duchesse de Portsmouth en Angleterre, et en 1684 duchesse d’Aubigny en France, pour elle et pour Charles de Lenox, duc de Richemont, son fils. (Note de Perrin, 1754.) Elle avait été menée en Angleterre par Madame Henriette en 1670. Voyez tome II, p. 546, et la Correspondance de Bussy, tome II, p. 254. Les lettres d’érection de la terre d’Aubigny en duché pairie, signées Louis, et sur le repli : « par le Roi, Colbert, » sont du mois de janvier 1684.
  4. De Charles II.
  5. C’est le texte des éditions de 1725 et 1726. Perrin a remplacé couche par passe.
  6. Elle se nommoit Nell Gwin. (Note de Perrin, 1754.) Les éditions antérieures la nomment Nelgouine. — Voyez sur elle une note des