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1675
446. —— DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.
Mardi 17e septembre.

Voici une bizarre date : je suis


Dans un petit bateau,
Dans le courant de l’eau,
Fort loin de mon château ;


je pense même que je puis achever,


Ah, quelle folie[1] !


car les eaux sont si basses, et je suis si souvent engravée, que je regrette mon équipage, qui ne s’arrête point et qui va son train. On s’ennuie sur l’eau quand on y est seule ; il faut un petit comte des Chapelles et une Mlle de Sévigné. Mais enfin c’est une folie de s’embarquer, quand on est à Orléans, et peut-être même à Paris (c’est pour dire une gentillesse) ; mais il est vrai qu’on se croit obligé

  1. LETTRE 446. — Dans le recueil des chansons de Coulanges, se trouve le couplet suivant, intitulé : Pour Madame la comtesse de G*** (Grignan), qui pensa se noyer sur le Rhône, en allant en Provence. Sur l’air Ah, quelle folie ! couplet retourné :
    Ah, quelle folie
    D’exposer sa vie
    Au courant de l’eau
    Dans un petit bateau !
    L’on peut, quand on est misérable,
    Chercher un écueil favorable
    Pour y faire son tombeau ;
    Mais risquer sa vie
    Sous un ciel si beau
    Si près de son château,
    Ah, quelle folie !
    (Recueil des chansons choisies de Monsieur *** (de Coulanges), 2e édition, Paris, 1698, tome I, p. 166.)