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1675prononçâtes chez elles. Nous allons à la Silleraye[1] : M. de Lavardin m’y vient conduire ; et de là aux Rochers, où je serai mardi. Hélas ! ma fille, quelle misère ! pouvez-vous souffrir mes lettres présentement ? Je remercie M. de Grignan de les regretter. L’abbé se porte très-bien, et moi encore au delà, s’il se peut. M. de Guitaut m’a mandé l’heureuse couche de sa femme : j’y pensois, et j’en étois en peine ; il me donne beaucoup de soupçon de vous : je n’ose appuyer ma pensée sur cette sorte de malheur, je le mets au delà de tous, et j’en suis très-affligée[2]. M. de Coulanges me mande qu’enfin la pauvre Sanzei a pris le deuil : la Mousse étoit avec elle à Autry[3], et s’y en retourne encore ; elle en a plus de besoin que jamais.

Je suis toujours en peine de mon fils : il me semble que M. de Luxembourg a bien envie de perdre[4] sa petite bataille : c’est une cruelle chose que ce métier-là. Je me réjouis, ma fille, que vous ayez Monsieur l’Archevêque[5] ; je vois d’ici toutes vos conférences ; je vois tout ce que l’on y propose et ce qu’on y résout. Je ne vous conseille pas d’entreprendre de m’ôter la sensibilité que j’ai pour tous vos intérêts : c’est me conseiller de mourir, en paroles couvertes ; car tant que je serai en ce monde, j’en serai plus touchée et plus occupée que de tout ce qui peut jamais m’arriver. Comptez là-dessus, et plaignez-moi de vous être aussi inutile que je le suis ; car enfin que

  1. Terre qui appartenoit à M. d’Harouys, et qui appartient aujourd’hui à M. de Bec-de-Lièvre. (Notes de Perrin et de 1818.) Voyez la lettre du 24 septembre suivant, p. 145, note 1.
  2. « Sur cette sorte de malheur, dont je serois très-affligée, s’il étoit certain. » (Édition de 1754.)
  3. Il a déjà été dit que cette terre était dans les environs de Gien. Le comte de Sanzei la tenait de sa mère, Suzanne de Chenu. Voyez plus haut, p. 101, note 13.
  4. Dans l’édition de 1754 : « de risquer. »
  5. L’archevêque d’Arles.