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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/144

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1675grand château que vous connoissez, au même endroit par où se sauva notre cardinal[1]. On entendit une petite barque ; on demande : « Qui va là ? » J’avois ma réponse toute prête, et en même temps je vois sortir par la petite porte M. de Lavardin avec cinq ou six flambeaux de poing devant lui, accompagné de plusieurs nobles, qui vient me donner la main, et me reçoit parfaitement bien. Je suis assurée que du milieu de la rivière cette scène étoit admirable ; elle donna une grande idée de moi à mes bateliers. Je soupai fort bien ; je n’avois ni dormi, ni mangé de vingt-quatre heures. J’allai coucher chez M. d’Harouys. Ce ne sont que festins au château et ici. M. de Lavardin ne me quitte point : il est ravi de causer avec moi. Il m’a conté en détail toute l’histoire de cette province, et les conduites différentes de ceux qui ont le commandement : c’est une chose extraordinaire, et qui m’a fort amusée. En récompense, je lui ai donné du nôtre, et cet échange a fait de grandes conversations. Il a, en vérité, de très-bonnes et grandes qualités : il a une hauteur et une audace qui jusqu’ici lui ont fort bien réussi ; et puis tout d’un coup une douceur et un respect pour le gouverneur qui le rehaussent encore. Il a mis monseigneur[2] à MM. de la Feuillade et Duras, et par familiarité il a mis mon très-honoré seigneur : voilà une légère consolation ; c’est pour vous dire qu’il en faut passer par là, ou ne point écrire.

J’ai vu nos filles de Sainte-Marie[3], qui vous adorent encore et se souviennent de toutes les paroles que vous

  1. LETTRE 447. — Le cardinal de Retz. Voyez la note 1 de la lettre du 1er octobre 1654, tome I, p. 387.
  2. Voyez les lettres des 31 juillet et 19 août précédents, et la note 9 de cette dernière lettre.
  3. Leur maison était près du cours Saint-Pierre à Nantes. Voyez la Notice, p. 89 et 90.