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456. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.
Aux Rochers, dimanche 13e octobre.

Vous avez grande raison que[1] les dates ne font rien pour rendre agréables les lettres de ceux que nous aimons. Eh, mon Dieu ! les affaires publiques nous doivent-elles être si chères ? Votre santé, votre famille, vos moindres actions, vos sentiments, vos pétoffes de Lambesc, c’est là ce qui me touche ; et je crois si bien que vous êtes de même que je ne fais nulle difficulté de vous parler des Rochers, de Mlle du Plessis, de mes allées, de mes bois, de nos affaires, du bien Bon, et de Copenhague quand l’occasion s’en présente. Croyez donc que tout ce qui vient de vous m’est très-considérable, et que jusqu’à vos traînées de tapisseries[2], je suis aise de tout savoir. Si vous voulez encore des aiguilles pour en faire, j’en ai d’admirables. J’en fis hier d’infinies ; elles étoient aussi ennuyeuses que ma compagnie : je ne travaille que quand elle entre ; et quand je suis seule, je me promène, je lis, ou j’écris.

La Plessis ne m’incommode pas plus que Marie. Dieu me fait la grâce de ne point écouter ce qu’elle dit ; je suis à son égard comme vous êtes pour beaucoup d’autres : au reste, elle a les meilleurs sentiments du monde ; j’admire que cela puisse être gâté par l’impertinence de son esprit et la ridiculité de ses manières. Il faudroit entendre ce qu’elle fait de ma tolérance, et comme elle l’explique, et les chaînes qu’elle s’en fait pour s’attacher à moi, et comme je lui sers d’excuse pour ne plus voir ses amies

  1. LETTRE 456. — Dans les deux éditions de Perrin : « Vous avez raison de dire que…. »
  2. Voyez la note 2 de la lettre 453, p. 161.