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Paris, ce sera pour les affaires de la belle Madelonne ; car il faut l’avouer, j’ai une belle passion pour elle. Je ne dis rien de mon fils ; cependant je l’aime extrêmement, et ses intérêts me font bien autant courir que ceux de ma fille. Il s’ennuie fort dans la charge de guidon ; cette place est jolie à dix-neuf et vingt ans ; mais quand on y a demeuré sept ans, c’est pour en mourir de chagrin. Si vous connoissiez quelque Bourguignon qui nous voulût faire le plaisir de nous en tirer, je vous[1] payerois votre courtage. Cette charge nous a coûté vingt-cinq mille écus ; elle vaut près de quatre mille livres de rente, à cause d’une pension de mille écus que nous y avons attachée.

Adieu, Comte ; j’embrasse ma nièce ; mandez-moi un peu des nouvelles de votre noce. Langhac est un terrible nom pour la grandeur et pour l’ancienneté. Je l’ai entendu louer jusques aux nues par le cardinal de Retz : il est dans sa solitude. Que dites-vous de la beauté de cette retraite ? Le monde, par rage de ne pouvoir mordre sur un si beau dessein, dit qu’il en sortira. Eh bien, envieux, attendez donc qu’il en sorte, et en attendant taisez-vous ; car de quelque côté qu’on puisse regarder cette action, elle est belle ; et si on savoit comme moi qu’elle vient purement du desir de faire son salut, et de l’horreur de sa vie passée, on ne cesseroit point de l’admirer.

  1. Les mots « en tirer, je vous » sont sautés dans la copie autographe dont nous suivons le texte ; nous avons comblé la lacune au moyen du manuscrit de l’Institut.
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