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1675que je souffris à la maladie de ma pauvre tante, et comme vous me fîtes expédier cette douleur[1]. Je ne suis pas encore à portée de recevoir cette joie. Vous m’assurez que vous vous portez bien ; Dieu le veuille, ma bonne ! cet article me tient extrêmement au cœur[2] : pour moi, je suis dans la parfaite santé. Vous aimeriez bien ma sobriété et l’exercice que je fais, et sept heures au lit, comme une carmélite. Cette vie dure me plaît ; elle ressemble au pays ; je n’engraisse point, et l’air est si humain[3] et si épais, que ce teint qu’il y a si longtemps que l’on loue, n’en est point changé. Je vous souhaite quelquefois une de mes soirées, en qualité de pommade de pieds de mouton.

J’ai dix ouvriers qui me divertissent fort. Rahuel[4] et Pilois, tout est à sa place. Vous devez être persuadée de ma confiance par les pauvretés dont je remplis ma lettre. Depuis que je me suis plainte en vers de la pluie, il fait un temps charmant ; de sorte que je m’en loue en prose.

Toute notre province est si fort occupée des punitions que l’on y fait, que l’on ne fait point de visites ; et sans vouloir contrefaire la dédaigneuse, j’en suis extrêmement aise. Vous souvient-il quand nous trouvions qu’il n’y avoit rien de si bon en province qu’une méchante compa-

  1. Mme de Sévigné était partie pour Grignan aussitôt après la mort de Mme de la Trousse.
  2. Tel est le texte de l’impression de Rouen (1726) et des deux éditions de Perrin. Celle de la Haye (1726) donne seule à cœur, pour au cœur. À la ligne suivante, santé manque dans les deux éditions de Perrin ; on y lit simplement : « je suis dans la parfaite. »
  3. Humain se trouve dans toutes les anciennes impressions, et nous ne croyons pas qu’il y faille substituer humide, comme on l’a fait dans une très-récente édition.
  4. Rahuel était concierge du château des Rochers. (Note de l’édition de 1818 à la lettre du 5 janvier 1676 ; voyez la note 14 de la lettre 351, tome III, p. 294.)