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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/205

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1675je vous l’ai dépeinte : je la place dessus ou dessous la table de votre beau cabinet.

Vous avez peur, ma fille, que les loups ne me mangent ; c’est depuis que nous savons qu’ils n’aiment pas les cotrets. Il est vrai qu’ils feroient un assez bon repas de ma personne, mais j’ai tellement mon infanterie autour de moi, que je ne les crains point. Beaulieu[1] vous prie de croire que dans ses assiduités auprès de moi, entouré des petits laquais de ma mère, il a dessein de vous faire sa cour. Sa femme n’est point encore accouchée : ces créatures-là ne comptent point juste. Vous me priez, ma très-chère, de vous laisser dans la Capucine[2], pendant que je me promènerai ; je ne le veux point : je ferois ma promenade trop courte ; vous viendrez toujours avec moi, malgré vous, quand vous devriez sentir un peu de serein : il n’est point dangereux ici, c’est de la pommade. Je ne saurois m’appliquer à démêler les droits de l’autre[3] ; je suis persuadée qu’ils sont grands ; mais quand on aime d’une certaine façon, et que tout le cœur est rempli, je pense qu’il est difficile de séparer si juste : enfin sur cela chacun fait à sa mode et comme il peut. Je ne trouve pas qu’on soit si fort maîtresse de régler les sentiments de ce pays-là ; on est bien heureux quand ils ont l’apparence raisonnable. Je crois que de toute façon vous m’empêcherez d’être ridicule ; je tâche aussi de me gouverner assez sagement pour n’incommoder personne : voilà tout ce que je sais.

Mme de Tarente a une étoile merveilleuse pour les entêtements : c’est un grand mal quand à son âge cela sort de la famille. Je vous conterai mille plaisantes choses,

  1. Un valet de chambre de Mme de Sévigné. (Note de Perrin.)
  2. Maisonnette du parc des Rochers.
  3. Il est question des droits de l’amour et de l’amitié, et par l’autre, c’est l’amour qui est désigné. (Note de Perrin.)