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1675caressé, ménagé, distingué la bonne baronne : vous savez comme elle m’a toujours paru, et combien je vous conseille de vous servir en sa faveur de votre bonne lunette. Vous ne me dites rien de Roquesante[1], ni du bon cardinal[2] ; j’aime tant celui de Commerci[3], que j’en aime toutes les calottes rouges dignement portées ; car je me tiens et tiendrai offensée des autres : vous dites sur cela tout ce qu’il faut. Je comprends vos pétoffes admirablement ; il me semble que j’y suis encore.

On nous dépeint ici Monsieur de Marseille[4] l’épée à la main, aux côtés du roi de Pologne, ayant eu deux chevaux tués sous lui, et donnant la chasse aux Tartares, comme l’archevêque Turpin la donnoit aux Sarrasins. Dans cet état, je pense qu’il méprise bien la petite assemblée de Lambesc[5]. Je comprends le chagrin que vous avez eu de quitter Grignan et la bonne compagnie que vous y aviez ; la résolution de vous y retrouver tous après l’assemblée est bien naturelle.

Voulez-vous savoir des nouvelles de Rennes ? Il y a toujours cinq mille hommes, car il en est venu encore de Nantes. On a fait une taxe de cent mille écus sur le bourgeois ; et si on ne les trouve dans vingt-quatre heures, elle sera doublée, et exigible par les soldats. On a chassé et banni toute une grande rue, et défendu de les recueillir sur peine de la vie, de sorte qu’on voyoit tous ces misérables, vieillards, femmes accouchées, enfants, errer en pleurs au sortir de cette ville, sans savoir où

  1. LETTRE 463. — Voyez tome II, p. 544, note 3.
  2. Le cardinal Grimaldi, archevêque d’Aix. (Note de Perrin.)
  3. Le cardinal de Retz, qui s’étoit retiré à Commerci. (Note du même.)
  4. Il étoit alors ambassadeur en Pologne. (Note du même.)
  5. L’assemblée des communautés, qu’il avait présidée les années précédentes.