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1675 aller, sans avoir de nourriture, ni de quoi se coucher. On roua avant-hier un violon qui avoit commencé la danse et la pillerie du papier timbré ; il a été écartelé après sa mort, et ses quatre quartiers exposés aux quatre coins de la ville, comme ceux de Josseran[1] à Aix. Il dit en mourant que c’étoient les fermiers du papier timbré qui lui avoient donné vingt-cinq écus pour commencer la sédition, et jamais on n’en a pu tirer autre chose. On a pris soixante bourgeois ; on commence demain à pendre[2]. Cette province est un bel exemple pour les autres, et surtout de respecter les gouverneurs et les gouvernantes, de ne leur point dire d’injures, et de ne point jeter des pierres dans leur jardin.

Je vous ai mandé comme Mme de Tarente nous a tous sauvés[3]. Elle étoit hier dans ces bois par un temps enchanté ; il n’est question ni de chambre, ni de collation ; elle entre par la barrière[4], et s’en retourne de même : elle me montra des lettres de Danemark. Ce favori[5] se fait porter les paquets de la princesse jusques à l’armée, faisant semblant qu’on s’est trompé[6], et pour avoir un prétexte, en les lui renvoyant, de l’assurer de sa passion. Je reviens à notre Bretagne tous les villages contribuent pour nourrir les troupes, et l’on sauve son pain en sauvant ses denrées ; autrefois on les vendoit, et l’on avoit de l’argent mais ce n’est plus la mode, on a changé tout

  1. Ce misérable avoit assassiné son maître, qui étoit un gentilhomme de Provence, de la maison de Pontevez. (Note de Perrin.)
  2. Dans l’édition de 1734 : « On commence demain les punitions. »
  3. Voyez ci-dessus, p. 202.
  4. Au bout du parc, sur le chemin de Vitré. (Note de l’édition de 1818.)
  5. Le comte de Griffenfeld. Voyez p. 156, la note 7 de la lettre du 2 octobre précédent.
  6. Dans l’édition de 1754 : « …jusques à l’armée, comme par méprise. »